Je ne sais pas quand ça a basculé.
Quand je suis passée de l'ado attardée qui n'avait pas trouvé sa place à Paris, qui ne sortait jamais, n'avait pas d'amis, et qui retrouvait avec soulagement la ville et le cocon de son enfance, les bras de sa môman, à l'adulte encore un poil ado, qui n'a plus peur de se perdre dans les rues de Paname, qui a sa vie, son homme, ses amis qui ont la même façon de voir la vie qu'elle, et pour qui maintenant, partir de Paris c'est perdre ses repères.
Oh, il n'y a pas de soucis, je sais que tout se passera bien, et puis ils me manquent tous, je les aime et ils m'aiment...
Mais à présent j'angoisse toujours un peu quand je descends à Nîmes.
Juste l'impression que maintenant , je suis différente d' eux. Pas mieux, ou moins bien, non, différente.
Je suis celle qui est partie vivre à Paris. Je suis celle qui a une ambition artistique, une certaine conscience politique.
Celle qui profite de sa jeunesse, sort, va à des concerts voir des groupes dont ils n'ont jamais entendu parler parce qu'ils ne passent pas à la télévision., celle qui attend un peu, qui réfléchit, avant de faire un enfant.
Je ne les juge pas. Mais est-ce qu'on se comprend si bien, maintenant ?
A mon âge, ma Mère était encore mariée à ce crétin qui me tient lieu de Père, dont elle avait une petite fille blonde de quatre ans. Trois ans plus tard, après une vaine tentative de réconciliation, j'allais prendre vie à mon tour dans son ventre.
A mon âge, ma soeur était elle aussi mariée, depuis quatre ans, et elle avait une petite fille blonde de trois printemps. Trois ans plus tard, elle était divorcée, et
enceinte d'un autre crétin du même acabit que mon Père.
Ma Mère et ma soeur n' avaient pas vraiment d' amis, elles n' avaient pas vraiment de rêve, et elles n' allaient pas à des concerts voir des groupes géniaux.
Alors oui, je prefère ma place. Mais dans la vie, chacun a ses priorités, et ses faiblesses.
Et la priorité de ma Mère est belle : Aimer et être aimée. Simplement. Que les gens qu'elle aime soit heureux. Alors, elle aussi elle pourrait l' être.
Je sais qu'il y aura de bons moments. Des moments différents. Je sais que je peux parler avec Ma Mère, énormément, de tout et de rien. Elle m'écoute.
Je suis friande des moments où ma soeur et moi rions de concert, de cette complicité de l'enfance, encore affleurant, par moments, même si quelquefois elle m'agace, même si souvent, je ne la comprends pas.
Il y aura mon Grand-Père, toujours triste depuis...mais son esprit encore vif, et curieux. Les souvenirs racontés, de la guerre ensemble, ma grand-Mère et lui.
Et puis enfin le rire de mes nièces, les découvertes que je ferais sans doute sur elles deux, parce qu'à leur âge, on change si vite, et les "Je t'aime tatie" sussurés de la plus chtite des deux.
Oui, j' les aime, et je vais les voir ce week-end.
[Donc, pas d'internet, aussi]