Zelia [On est sûr que le mec qui a inventé l'optimisme ne lui fera pas un procès.]
La veille de sa fugue, Nina a eu le "bonheur inouï" de pouvoir vivre et graver une dernière fois dans sa tête la vision de son pére étendu par terre, le visage bouffi, ivre mort, avec en arrière-plan la télévision hurlant dans le vide .
Elle a pressé ses pieds nus contre son flanc, le repoussant légèrement comme pour vérifier qu'il vivait encore, il s'est mis à ronfler, et elle, elle s'est assise en tailleur à côté de lui et elle a fumé une gitane sortie d'un de ses paquets en essayant de faire des ronds de fumée en l'air.
Elle s'est rappellé cette fois où son père lui avait dit qu'elle avait un prénom de pute.
Elle s'est approché doucement de lui, retenant son souffle en essayant de retirer sa montre en argent de son poignet, puis l'a ajusté au sien et admiré le résultat .
Elle a pensé que c'etait un pauvre type, et que Nina, ça lui allait bien finalement. Elle aime sa consonnance et sa dualité.
Elle a songé un instant à écraser son mégot quelque part sur son corps, peut-être que ça allait le réveiller, et puis , sans trop savoir pourquoi, s'est ravisée.
Mégot passé sous un jet d'eau froide de l'évier de la cuisine, puis jeté dans une des poubelles. La cuisine est si sale, encombrée, cela fait longtemps qu' elle a renoncé à ranger, et même à y rentrer.
Monter les escaliers qui craquent, et mènent aux chambres, entrer dans la sienne .
Il y fait frais, il-y-a cette fenêtre ouverte sur le toit qu'elle aimait tant gamine. Y monter une dernière fois. Vaillante.
Ses jambes ont grandies depuis, mais sa relative souplesse lui permet tout de même d'atteindre son but. Là-haut, lui revient un sentiment totalement incongru de sécurité .Une fichue réminiscence du passé.
Elle n'ose pas regarder les étoiles, comme si ça risquait de l'affaiblir. Imbroglio et mélanges de vieilles émotions, dans son ventre.
Quand son père en méritait encore le nom. Quand il espérait encore, et elle avec. Leurs deux profils tournés vers le plus haut, ses longs doigts noueux qui lui indiquait les étoiles, et sa drôle de voix éraillée.
Encore aimante.
Ouais, partir. Elle espère que ceux qui restent ne vont pas croire qu'elle fuit.
Après plus d'une heure de marche, elle a déjà l' impression désagréable de ne plus avancer.
Les voitures sont peu nombreuses, et l'ignorent, sa silhouette d'adolescente presque femme, elle finalement désespérée, prête à tout, pour croire quiconque lui dirait d' un air convaincu, qu'il y a bien "autre chose", loin de l'endroit qui l'a vue naître.
Les yeux plissés sous les rayons du soleil, les cheveux noirs et fins collant aux tempes, et cette faiblesse dans les jambes.
Elle a le regard buté de ceux qui n'ont plus peur d'avancer, tout vaut mieux que le vide, et elle n'a rien à perdre.
Elle voudrait juste ne pas penser à ce coeur qui bat, irrégulier, résonnant, à ses mains moites, à son père gisant sans doute déjà sur le sol d' un endroit quelconque, son corps tombant mollement sur du béton, du carrelage , du plancher, de la moquette, faisant un grand bruit ou bien un "plof !" un peu étouffé. Son père allait un jour crever à force de tomber.
Alors elle, s'il le fallait, elle allait peut-être bien crever, oui, mais de trop avancer, de trop embrasser la vie , de jouer trop longtemps avec le feu jusqu'à se consumer et se réduire en cendres .
[...]
Hypothétique début du roman que je suis en train d 'écrire. Tout avis et critiques sont les bienvenues [ Même les négatives évidemment, du moment que c' est un tant soit peu constructif. ]
Thanks
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